Mots-Clés, agence de communication éditoriale et d'influence

View Original

Comment écrire « nombreux », « tous » et d’autres mots difficiles en écriture inclusive ?

L’écriture inclusive, vous connaissez déjà. Vous êtes même convaincu·e de son utilité. Mais certains mots vous font encore hésiter. Comment écrire « nombreux » en écriture inclusive ? Et que donnent « tous » ou « fiers » en écriture inclusive ? Plus difficiles : comment faire avec la locution verbale « ayant droit » ou le nom féminin « sage-femme » en écriture inclusive ?

Vous hésitez ? Alors, cette liste de mots difficiles en écriture inclusive est faite pour vous !

Dans cet article, je vais tout simplement répondre à la manière dont en écriture inclusive on peut reprendre certains mots apparemment difficiles du vocabulaire courant ou du vocabulaire professionnel.

 

Une liste de mots réputés difficiles en écriture inclusive

Notre Google Search Console a parlé. 

J’ai pu identifier les requêtes Google les plus fréquentes en rapport avec l’écriture inclusive et qui mènent vers le site de Mots-Clés ou vers la Landing page que nous avons créée, consacrée à l’écriture inclusive. Et pour une bonne part, ces requêtes tournent autour d’une liste de mots considérés comme difficiles à faire basculer en écrire inclusive.

C’est donc cette première liste de mots qui est proposée ci-dessous. 

La voici dans l’ordre alphabétique, histoire de ne pas vous embêter à scroller pour savoir si le mot que vous recherchez s’y trouve bien :

Cette liste a vocation à s’enrichir au fil du temps. Un autre mot vous pose problème ? Dites-le en commentaire en bas de cet article. Et promis, je m’y collerai rapidement.

 Le glossaire proposé ci-dessous permet de trouver des réponses circonstanciées. Et de comprendre, au-delà d’un mot donné, la mécanique de réflexion sous-jacente, qui est ainsi répétable pour d’autres termes qui vous poseraient question. 

Idéalement, je souhaite compléter ce glossaire par un formulaire qui proposerait directement des alternatives en écriture inclusive, les justifierait et les restituerait au travers de quelques exemples. Ces trois indications conjuguées semblent, d’après mon expérience lors de formations à écriture inclusive, celles qui facilitent le mieux l’appropriation. Si vous vous sentez une âme de dév. ou d’UX designer suffisamment engagé·e pour fabriquer un tel formulaire et le mettre à disposition, contactez-moi svp. (Alumni de l’hackathon écriture inclusive, ne passez pas votre chemin !).

See this content in the original post

En bref :

  • Formulation genrée initiale : « J’ai de nombreux collègues qui participent à ce séminaire. »

  • Formulation inclusive fléchie : « J’ai de nombreuses et nombreux collègues qui participent à ce séminaire. »

  • Formulation inclusive avec point médian (cette forme n’est pas valable pour ce mot) : « J̶’̶a̶i̶ ̶d̶e̶ ̶n̶o̶m̶b̶r̶e̶u̶x̶·̶e̶u̶s̶e̶s̶ ̶c̶o̶l̶l̶è̶g̶u̶e̶s̶ ̶q̶u̶i̶ ̶p̶a̶r̶t̶i̶c̶i̶p̶e̶n̶t̶ ̶à̶ ̶c̶e̶ ̶s̶é̶m̶i̶n̶a̶i̶r̶e. »

  • Formulations inclusives épicènes : 

« Nombre de mes collègues participent à ce séminaire. » 

« D’innombrables collègues participent à ce séminaire. » 

« De multiples collègues participent à ce séminaire. »

En détail :

Dès lors que l’adjectif « nombreux » se rapporte à une communauté humaine composée de femmes et d’hommes, il doit être adapté en écriture inclusive. Le but ? Ne pas invisibiliser la place occupée par les femmes dans la population ainsi désignée. C’est ce mécanisme d’occultation ordinaire qui est fondamentalement remis en cause par l’écriture inclusive.

Une précision, triviale. « Nombreux » ne devra être repris en écriture inclusive que s’il se rapporte à une communauté humaine. « Nombreux chantiers » par exemple n’a pas vocation à être fléchie, évidemment. Mais « nombreux chiens » non plus ! L’écriture inclusive vise en effet à faire progresser l’égalité femmes-hommes. Elle est un moyen d’agir sur le social et les mentalités par le langage, et pas un exercice de style éthéré ni d’égalité abstraite.

1. « Nombreux·euses » n’est pas préconisé en écriture inclusive !

Première recommandation : « nombreux·euses » n’est pas préconisé en écriture inclusive. Pas plus que « curieux·euses », « joyeux·euses », « nerveux·euses » ou encore « furieux·euses ». Précisément parce que nous optons pour un usage raisonné de l’écriture inclusive, dans lequel le point milieu n’est utilisé que pour les mots dont les formes féminines et masculines sont proches, comme c’est le cas par exemple dans les mots « étudiant·es » ou encore « professionnel·les ».

C’est un enjeu d’ergonomie éditoriale et de lisibilité. Pour ces raisons, c’est notre recommandation commune avec l’universitaire Éliane Viennot, depuis 2018. C’est ce qu’elle explique dans son ouvrage de référence Le langage inclusif : pourquoi ? Comment ? paru aux éditions iXe que j’ai eu le plaisir de postfacer avec Chloé Sebagh (et que vous pouvez commander ici !).

C’est d’autant plus le cas avec l’adjectif « nombreux » que celui-ci est souvent suivi d’un nom commun qui devra être également fléchi : « nombreux voisins », « nombreux amis », « nombreux invités ». Or, « nombreux·euses invité·es » par exemple pose de vraies difficultés en termes de lisibilité. Nous ne le préconisons pas, et c’est ce qui est expliqué dans notre Manuel d’écriture inclusive.

2. Une option possible pour rendre « nombreux » inclusif : la double flexion

Dès lors, la forme inclusive la plus immédiate semble être la double flexion : « nombreux » pourra être aisément remplacé par « nombreuses et nombreux ». Mais l’énoncé peut paraitre plus pesant ainsi modifié. Aussi, d’autres alternatives peuvent être envisagées.

3. Encore mieux : des alternatives épicènes à « nombreux »

« Nombreux » connait plusieurs synonymes épicènes et tout à fait inclusifs. Dans certains contextes, des reformulations épicènes sont également possibles. On peut par exemple imaginer que le mot « innombrable » puisse fonctionner en lieu et place de « nombreux » dans certains énoncés (lorsqu’il désigne une population très nombreuse). Ou encore « multiples »

Voici également une liste d’autres synonymes, qui peuvent s’avérer pertinents dans certains contextes et que je vous laisse évaluer en fonction de la phrase qui vous pose question : « abondant », « considérable », « nombre », « important », « dense », « fort », « grand » ou encore « gros ».

Prenons donc la phrase suivante pour montrer clairement les différentes options :

  • Formulation genrée initiale : « J’ai de très nombreux camarades qui m’appellent en ces temps confinés. »

  • Formulation inclusive fléchie :

    « J’ai de très nombreuses et nombreux camarades qui m’appellent en ces temps confinés. »

  • Formulations inclusives épicènes : 

    « Nombre de mes camarades m’appellent en ces temps confinés. »

    « Un grand nombre de camarades m’appellent en ces temps confinés. » 

    « D’innombrables camarades m’appellent en ces temps confinés.»

Ces trois dernières reformulations ont le mérite de préserver une certaine tonicité énonciative. À titre personnel, c’est l’une de ces reformulations que je privilégie plutôt qu’une double flexion, lorsque le mot « nombreux » se présente. Et vous ?

See this content in the original post

En bref :

  • Formulation genrée initiale : « Merci à tous d’être à leurs côtés. »

  • Formulation inclusive fléchie : « Merci à tous et à toutes d’être à leurs côtés. »

  • Formulation inclusive avec point médian (non valable pour ce mot) : « Merci à tou·tes d’être à nos côtés. »

  • Formulations inclusives épicènes : 

« Merci à tout le monde d’être à leurs côtés. » 

« Merci d’être à leurs côtés. » 

« Merci à vous d’être à leurs côtés. »

« Merci à l’ensemble de nos collègues d’être à leurs côtés. »

En détail :

Dès lors que le terme « tous » désigne une population humaine composée de femmes et d’hommes, alors il faudra basculer dans une forme inclusive.

L’objectif est de ne pas invisibiliser les femmes qui sont reléguées derrière ce « tous » au masculin générique. C’est d’autant plus important, que le terme « tous » peut notamment être utilisé comme pronom (comme c’est le cas dans l’exemple rapporté ci-dessus), et qu’il est donc un marqueur de ce qu’on appelle en linguistique la coénonciation, c’est-à-dire une trace dans le discours de celles et ceux auxquels l’énonciateur ou l’énonciatrice s’adresse.

Alors, concrètement, comment fait-on pour éviter le masculin générique « tous » ?

1. Une première option : tous et toutes

Pour remplacer « tous » en écriture inclusive, la première forme inclusive la plus évidente est ce qu’on appelle la double flexion. Dans de nombreux contextes, « tous » pourra être aisément remplacé par « tous et toutes ». On mettra la forme masculine en premier, car les conventions d’écriture inclusive préconisent l’ordre alphabétique dans le cas d’une énumération. Ici, « tous » précède « toutes » dans l’ordre alphabétique, et c’est donc la forme masculine qui apparait d’abord.

2. Tou·tes pour un·e et un·e pour tout·es ?

Quid du point médian ? Et bien « tou·tes » est une formulation limite de ce qu’on appelle une écriture inclusive raisonnée.

L’écriture inclusive raisonnée consiste à limiter le recours au point médian pour les mots dont les formes féminines et masculines sont très proches. Notamment lorsque le suffixe masculin s’obtient par ajout et non par substitution. Par exemple, l’expression « citoyennes et citoyens » pourra tout à fait être abrégée par « citoyen·nes », car les deux suffixes -ens et -ennes sont très proches. Mais à l’inverse, on ne pourra pas raccourcir « agriculteurs et agricultrices » par « agriculteur·rices », dans la mesure où les deux suffixes sont éloignés et que cela entame l’ergonomie éditoriale et la fluidité du texte. 

Dans le cas de « tou·tes », je souhaite partager mon hésitation, même si celle-ci aboutit finalement à ne pas préconiser cette formulation. 

D’un côté, les termes « tous » et « toutes » sont suffisamment proches et « tous et toutes » semble parfaitement repérable dans l’abréviation « tou·tes », sans que cela entrave la fluidité de lecture. 

Mais d’un autre côté, ce point milieu divise un mot bref en deux fois 3 lettres, mettant à mal l’ergonomie éditoriale. Surtout, il vient exprimer un souci d’abréviation pour un terme censé justement marquer l’adresse, dans les contextes où il est utilisé comme pronom. Par exemple, considérez-vous que la phrase « je vous salue tou·tes » vous indique la même attention que « je vous salue tous et toutes » ? 

En fait, je ne trouve pas « tou·tes » très élégant, exactement comme j’ai toujours été gêné par les laconiques « Bjr » qui remplacent les « Bonjour » en début de courriels. 

Aussi, dans le doute je préfère m’abstenir, et ne préconise pas l’usage de « tou·tes », mais plutôt de l’une des deux autres options : la double flexion, ainsi que présentée plus haut, ou une reformulation épicène, comme proposée ci-après.

3. Trois exemples de reformulations épicènes en lieu et place de « tous »

Dans certains contextes, le terme « tous » pourra en effet être aisément remplacé par certaines reformulations épicènes comme « tout le monde », « l’ensemble » ou encore « des ».

Prenons trois cas qui correspondent aux fonctions grammaticales du terme « tous » :

  • Lorsque « tous » précède un déterminant ;

  • Lorsqu’il précède un pronom ;

  • Lorsqu’il est utilisé comme pronom.

Il y a sans doute d’autres cas que j’omet de mentionner (par exemple, lorsque « tous » précède directement un nom qui doit être repris dans une forme inclusive, ce cas existe-t-il ?). Si vous trouvez un cas non couvert par les trois exemples suivants, indiquez-le en commentaire ci-dessous ou écrivez-moi et je l’ajouterai.

1) Premier cas : quand « tous » précède un autre déterminant 

Je choisis volontairement une phrase comportant un nom épicène, pour ne pas compliquer l’exemple. Ici, le mot « élèves ».

  • Formulation genrée initiale : « Nous vous adressons tous nos élèves de la dernière promo ».

  • Formulation inclusive fléchie : « Nous vous adressons tous nos élèves et toutes nos élèves de la dernière promo. »

  • Formulations inclusives épicènes : 

    • « Nous vous adressons nos élèves de la dernière promo. »

    • « Nous vous adressons l’ensemble de nos élèves de la dernière promo. »

Dans cet exemple, on voit bien que la formulation fléchie peut paraitre pesante. Aussi, une reformulation épicène pourra ici s’avérer intéressante pour conserver la tonicité énonciative.

2) Deuxième cas : quand « tous » précède un pronom

  • Formulation genrée initiale : « Nous encourageons tous ceux qui le souhaitent à assister à cette conférence. »

  • Formulation inclusive fléchie : « Nous encourageons toutes celles et ceux qui le souhaitent à assister à cette conférence. »

  • Formulations inclusives épicènes : 

    • « Nous encourageons l’ensemble de celles et ceux qui le souhaitent à assister à cette conférence. »

    • « Nous encourageons tout le monde à assister à cette conférence. »

    • « Nous vous encourageons à assister à cette conférence. »

    • « Nous encourageons celles et ceux qui le souhaitent à assister à cette conférence. »

Dans ce cas, les formulations fléchies ou épicènes peuvent chacune avoir leur intérêt, en fonction de l’insistance que l’on veut accorder à ce « tous » initial. Évidemment, il existe des nuances de sens entre les différentes reformulations épicènes proposées. C’est la raison pour laquelle plusieurs possibilités vous sont suggérées. À vous de choisir, en fonction du contexte d’énonciation et de votre sensibilité à la justesse de telle ou telle formulation.

3) Troisième cas : quand « tous » est un pronom

  • Formulation genrée initiale : « Bonjour à tous, »

  • Formulation inclusive fléchie : « Bonjour à tous et à toutes, »

  • Formulations inclusives épicènes : 

    • « Bonjour à tout le monde, »

    • « Bonjour tout le monde, »

    • « Bonjour, »

    • « Bonjour à vous, »

Dans ce contexte-ci, une reformulation fléchie ou épicène pourra être retenue, en fonction des effets de sens visés.

À titre personnel enfin, j’opte pour une formulation fléchie, lorsque je veux insister sur l’adresse de mon propos. Typiquement, dans une formule d’entête de courriel par exemple. Je choisis une reformulation épicène lorsque je trouve que ce « tous et toutes » alourdit ma phrase. Mais souvent, la pesanteur se nichait déjà dans le « tous » de la version genrée initiale. L’écriture inclusive n’ayant eu alors pour conséquence que de mieux la mettre en évidence. C’est là l’un des effets collatéraux de l’écriture inclusive : cela permet de révéler les lourdeurs intrinsèques d’un texte, qui ne sont rendues que plus visibles encore par les doubles flexions.

Enfin, j’ai repéré le néologisme « toustes », contraction de « tous et toutes » et notamment dans l’écriture transgenre. Il n’a pas encore sa place dans l’écriture institutionnelle, même si dans un cadre personnel ou militant on peut trouver ce mot-valise sympathique et connivent (« C’était trop cool de toustes vous revoir à cette soirée ! »). Patientons encore pour savoir s’il se répand dans les usages et en attendant, merci à tous et à toutes de m’avoir lu jusqu’ici !

See this content in the original post

En bref :

  • Formulation genrée initiale : « Félicitations aux joueurs pour ce superbe tournoi. »

  • Formulation inclusive fléchie : « Félicitations aux joueurs et aux joueuses pour ce superbe tournoi. »

  • Formulation inclusive avec point médian (non valable pour ce mot) : « Félicitations aux joueur·euses pour ce superbe tournoi. »

  • Formulation inclusive épicène : « Félicitations aux challengers pour ce superbe tournoi. »

En détail :

1. Les artistes préfèrent les joueurs

J’aurais aimé que Cézanne peigne des joueurs et des joueuses de cartes. Ensemble.

Joueur de Luth du Caravage, Joueur d’échecs de Zweig, Joueur de flûte de Hamelin conté par les frères Grimm : les artistes affectionnent les joueurs, mais rarement les joueuses. Vermeer qui adorait peindre de jeunes femmes fait exception : le maitre hollandais a représenté une joueuse de guitare ainsi qu’une joueuse d’épinette.

Dès lors que la notion de « joueurs » désigne un groupe comprenant indistinctement des femmes et des hommes, elle doit être transposée en écriture inclusive. Ce peut être le cas dans un tournoi de cartes, dans une compétition sportive mixte ou dans une formation musicale par exemple. Dans ces situations, l’utilisation du masculin générique « joueurs » invisibilise les femmes. 

Cette occultation n’est pas anecdotique, si l’on considère que le jeu est une composante essentielle de toute culture, comme le défend Huizinga dans Homo ludens. Recourir au masculin générique revient en fait à délégitimer les femmes, dans le langage et par le langage, de ce rapport au jeu et à sa dimension foncièrement socialisante. À les mettre hors jeu. Littéralement.

Bien sûr, s’il s’agit d’une population composée exclusivement d’hommes, ou de femmes, comme ce peut être le cas dans un championnat professionnel de football ou de basketball, alors les reformulations inclusives n’auront pas à être utilisées. On pourra parler à ce moment-là de « joueurs » si on a affaire à une équipe d’hommes seulement, ou de « joueuses », si le groupe ne comprend que de femmes.

2. Joueurs et joueuses : la forme inclusive la plus triviale

Pour remplacer « joueurs » en écriture inclusive, la première forme inclusive la plus naturelle est la double flexion. Dans de nombreux contextes, « joueurs » pourra être aisément remplacé par « joueurs et joueuses ». On mettra la forme masculine en premier, car les conventions d’écriture inclusive préconisent l’ordre alphabétique dans le cas d’une énumération. Ici, « joueurs » précède « joueuses » dans l’ordre alphabétique, et c’est donc le terme au masculin qui prime.

3. Et les joueur·euses alors ?

« Joueur·euses » ne fonctionne pas en écriture inclusive. 

Pas davantage que les baigneur·euses, les cascadeur·euses, les parfumeur·euses ou les sondeur·euses.

Tout simplement parce que les suffixes -eurs et -euses sont trop éloignés l’un de l’autre. Dans ces cas, le point médian entame l’ergonomie éditoriale. Cela produit même de nouveaux effets de sens : aviez-vous remarqué que les « joueur·euses » pouvait se lire comme les « joues heureuses » ? Et les « ramasses heureuses de bal » alors (ramasseur·euses de balles) ?

Une reformulation épicène existe pour « joueurs ». Il s’agit de « challengers ».

« Challenger » vient du vieux français « challengier ». Il a été ensuite exporté en Angleterre au XIe siècle, avant de nous revenir sous la forme « challenger » à la fin du XIXe siècle par la presse sportive. L’usage est attesté dans la littérature à partir du 20e siècle : par exemple, chez Céline, dans Voyage au bout de la nuit : « Baryton excellait aux jeux d’adresse. Parapine challengeait régulièrement l’apéritif et le perdait tout aussi régulièrement » ; chez Cendrars dans le recueil Bourlinguer (exemple rapporté par Bernard Cerquiglini dans Petite chronique du français comme on l’aime, paru chez Larousse en 2012) : « Il avait été champion du monde, et challengeait, dorénavant, avec la mort » ; ou encore chez Sartre, dans Situations : « Ni Cocteau, ni Mauriac, ni Green n’ont de challengers ; Giraudoux en a trouvé cent, mais tous médiocres. »

Si vous êtes adepte de l’orthographe rectifiée, cet épicène ne vous sera pas très utile. Depuis 1990, le Conseil Supérieur de la Langue Française (CSLF) recommande d’écrire « challengeur » ou « challengeuse », et non plus « challenger ».

4. Au-delà de « joueurs » : peu d’alternatives épicènes pour les mots en -eurs / -euses

Cela confirme nos observations empiriques plus larges. D’après l’expérience de l’agence, il existe finalement peu de reformulations épicènes disponibles pour les mots se terminant en -eurs et dont le féminin est en -euses.

C’est lié au fait que les substantifs se terminant en -eurs / -euses désignent souvent les protagonistes d’une situation décrite. En conséquence, la langue française propose presque toujours une forme masculine et une forme féminine pour ces mots. Par exemple, 3 synonymes sont recensés pour « agresseur », mais aucun n’est épicène : « assaillant », « attaquant » ou encore « offenseur ». 

La recherche d’un synonyme peut toutefois valoir la peine si l’on manque de place dans un texte : il y a parfois une seule lettre d’écart pour certains synonymes de mots se terminant au masculin en -eur. Si le contexte s’y prête, cela permet alors le recours à une forme inclusive avec point médian : « assaillant·es » ou « attaquant·es » en lieu et place d’« agresseurs et agresseuses », dans notre exemple.

Enfin, si l’on n’est pas trop sensible au style, on peut aussi imaginer des reformulations englobantes. En général, je les évite, car je trouve qu’elles font perdre en qualité rédactionnelle. Mais en voici une, à toutes fins utiles : dans certains contextes, « joueurs » pourra être aisément remplacé par « les personnes qui jouent », même si cela aménage le sens et confère de la pesanteur au texte.

See this content in the original post

En bref

  • Formulation genrée initiale : « Les directeurs de l’entreprise sont en séminaire. »

  • Formulation inclusive fléchie : « Les directeurs et directrices de l’entreprise sont en séminaire. »

  • Formulation inclusive avec point médian : « Les directeur·rices de l’entreprise sont en séminaire. »

  • Formulations inclusives épicènes : 

« La direction de l’entreprise est en séminaire. »

« Les personnes qui dirigent l’entreprise sont en séminaire. »

« Le personnel de direction de l’entreprise est en séminaire. »

En détail

Je prends ici l’exemple du terme « directeurs » pour évoquer l’ensemble des noms dont le masculin se termine en -teurs et le féminin en -trices : animateurs, aviateurs, concepteurs, modérateurs, opérateurs, réalisateurs, rédacteurs, sénateurs, etc.

Dès lors que ce terme désigne une population comprenant des femmes et des hommes, alors il faudra mobiliser une formulation inclusive, destinée à rendre compte de cette réalité mixte. 

C’est d’autant plus le cas que les mots se finissant en -teurs au masculin pluriel et -trice au féminin pluriel correspondent à des noms de métiers, rôles, grades ou fonctions. Ce sont ce qu’on appelle en grammaire des substantifs. Dans ces cas, l’utilisation du masculin générique occulte l’accession de femmes à ces positions, et participe de l’inconfort sémantique et donc social des femmes dans leur quotidien, notamment professionnel. Le recours à des formulations inclusives joue ici pleinement son rôle dans l’égalité entre les femmes et les hommes !

Plus rien ne s’oppose désormais à la mobilisation de formulations inclusives en lieu et place de ces masculins génériques. Même l’Académie française encourage la féminisation des noms de métiers, titres, grades, fonctions.

 

1. Directeurs et directrices

La double flexion : c’est la formulation inclusive la plus immédiate. Elle a le mérite de la simplicité. Mais elle rallonge les phrases. 

Elle va consister à doubler le mot de son pendant au féminin : « les directeurs et directrices de cet établissement m’ont indiqué la marche à suivre » par exemple, en lieu et place de « les directeurs de cet établissement m’ont indiqué la marche à suivre. » 

Cette reformulation se révèle vite impossible dans les cas d’intitulés de postes à rallonge ou de phrases comprenant un, voire plusieurs adjectifs. 

Par exemple, 

« Les directeurs généraux adjoints, insatisfaits et décidés, réclament une réunion extraordinaire. »

deviendrait :

« Les directeurs généraux adjoints et directrices générales adjointes, insatisfaits et décidés, insatisfaites et décidées, réclament une réunion extraordinaire. » 

Au-delà de la longueur et de la pesanteur de l’énoncé ainsi modifié, on remarque également l’insistance aux mauvais endroits de cette phrase. Là où on pourrait penser que c’est la demande de réunion extraordinaire qui constitue la visée illocutoire essentielle de cette phrase, c’est l’attention à l’écriture inclusive qui prédomine. 

La double flexion est donc une reformulation inclusive facile, mais elle présente des inconvénients pour les mots se terminant en -teurs au masculin, et -trices au féminin. Dès lors, d’autres reformulations inclusives peuvent être imaginées.

2. Bannissez les directeur·rices ! 

Nous ne recommandons vraiment pas le recours aux points médians pour les mots en -teurs. / -trices. Tout simplement, parce que ces suffixes sont trop éloignés l’un de l’autre, et que cela entame la fluidité de lecture. 

Donc, à moins que vous ne manquiez singulièrement de place (comme par exemple dans le titre d’une offre d’emploi), finissons-en avec les « directeur·rices », les « agriculteur·rices », et les « modérateur·rices » !

Le fait de limiter l’utilisation des points médians aux mots dont les formes au féminin et au masculin sont proches constitue ce qu’on appelle une écriture inclusive raisonnée. Elle préserve l’ergonomie éditoriale. 

3. Direction, cadres, managers : de multiples reformulations épicènes ou englobantes existent

L’option à privilégier dans ces cas-là est la recherche d’un terme épicène, c’est-à-dire d’un mot qui s’écrira à l’identique au féminin et au masculin (comme « journaliste », « architecte », « membre », « cadre », « capitaine », etc.). 

En fonction des situations et des effets de sens voulus, on peut imaginer que plusieurs synonymes fonctionnent. Voici quelques synonymes épicènes du substantif « directeurs », qui peuvent dans certains contextes faire parfaitement l’affaire : les « gestionnaires », les « managers », les « cadres », et même, si les anglicismes ne vous rebutent pas, les « CXO » (pour Chief X officer).

On peut aussi rechercher une reformulation englobante. Par exemple, l'expression « les directeurs et directrices » pourra être aisément remplacée par une métonymie comme « la direction », ou par des reformulations plus littérales, quoiqu’un peu pesantes comme « les personnes qui dirigent l’entreprise » ou encore « le personnel de direction ».

Comme évoqué pour « joueurs », il arrive enfin que la substitution de termes autorise le recours à un point médian. Par exemple, « les directeurs et directrices » peut être remplacée par « les cadres dirigeant·es » ou « les cadres supérieur·es », permettant ainsi d’utiliser un point médian.

À titre personnel, c’est souvent dans la direction de mots épicènes, de métonymies ou de reformulations englobantes que je recherche une solution. Elles préservent la concision et assurent la qualité des énoncés repris en écriture inclusive.

See this content in the original post

Si vous voulez directement la réponse, la voici : comme « sage-femme » est un mot épicène, le masculin de « sage-femme est tout simplement « sage-femme » ! Ou même « sagefemme » si vous utilisez l’orthographe rectifiée de 1990.

On pourra tout à fait écrire par exemple : « Ce formidable sage-femme m’a conseillé de me reposer encore un peu. »

Mais je suis allé beaucoup plus loin dans un article dédié.

Je reviens sur l’échec du mot « maïeuticien » que l’Académie française avait suggéré au milieu des années 80, quelques temps après l’ouverture de la profession de sage-femme aux hommes.

Alors si l’histoire des mots vous intéresse, ne passez pas votre chemin !

D’autres mots réputés difficiles en écriture inclusive sont à venir dans cet article

Comment écrire « ceux » en écriture inclusive ?

Comment écrire « nouveaux » en écriture inclusive ?

Comment écrire « copains » en écriture inclusive ?

Comment écrire « travailleurs » en écriture inclusive ?

Comment écrire « utilisateurs » en écriture inclusive ?

Comment écrire « fiers » en écriture inclusive ?

Comment écrire « ayants droit » en écriture inclusive ?

Des mots vous posent question ? Mentionnez-les en commentaire !

Vous souhaitez vous former ou former vos équipes à l’écriture inclusive ? Écrivez-nous.