Introduit en 1966 par le linguiste Algirdas Julien Greimas, le schéma actanciel - ou modèle actanciel - est un outil bien utile pour comprendre ce qui structure une narration.
Il met en relief les dynamiques interactionnelles des personnages pour faire un récit cohérent et logique. Ce sont ces étapes-là que doit remplir un ou une storyteller pour parvenir à une histoire qui fait sens.
Déplier les actants d’une histoire
Le modèle actanciel de Greimas permet de décomposer une action ou une histoire en six actants :
un·e ou plusieurs destinateurs ou destinatrices (mandataires)
un objet
un·e ou plusieurs destinataires
un·e ou plusieurs adjuvant·es (aidant·es)
un·e ou plusieurs opposant·es (adversaires)
et un sujet (héros ou héroïne) qui mène une quête
Les liens entre les actants : les trois axes du schéma actanciel
Les six actants interviennent dans un récit en trois dynamiques, qui permettent de comprendre les liens qui existent entre eux. Une histoire consiste à articuler une tension simultanée sur ces trois dimensions :
Axe du vouloir : l’axe qui relie le sujet (héros ou héroïne) à l’objet (objectif) de sa quête.
Axe du pouvoir : l’axe qui relie l’opposant·e et l’adjuvant·e et qui influe sur la réussite ou l’échec de la quête du sujet.
Axe du savoir : l’axe qui relie la destinatrice ou le destinateur à son destinataire.
Par exemple, la princesse, personnage principal (sujet), doit tuer le dragon (quête) pour délivrer le prince (objet).
Dans sa quête pour tuer le dragon, elle est aidée par des fées (adjuvants) et mise à mal par les ennemis du royaume (opposants).
La princesse a été mandatée par le Roi (destinateur) pour sauver le prince (quête), ce qui permettra de rétablir la paix dans le royaume (destinataire).
Un exemple : modéliser les actants d’un discours de marque
Ce schéma peut être transposé au discours de marque. C’est d’ailleurs une des clés de réussite du Design narratif® : pour bâtir un storytelling puissant, il faut définir les actants de l’histoire.
Prenons l’exemple de Danone. Voici une modélisation possible de leur discours de marque, tel qu’explicité sur cette page du site de la marque :
Comment décrypter ce schéma ? Quelques commentaires :
Le sujet du discours de marque de Danone est la marque elle-même : cela peut paraitre banal, mais de notre expérience, il est plus fréquent que les marques soient un Adjuvant plutôt que le Sujet de leur propre discours. Dans ce type de modélisation, le Sujet est le public cible de la marque. Lorsqu’on choisit, comme ici, de centrer le discours autour de la marque, on contribue à la personnifier et lui prêter des qualités héroïques : c’est d’ailleurs un motif récurrent du discours RSE des grandes marques, qui se donnent pour mission la sauvegarde de la planète.
Le discours de Danone ne comporte pas d’opposant·es : on peut les deviner (la malnutrition, une mauvaise alimentation, etc.), mais ils ne sont pas enrôlés dans l’histoire racontée par la marque. Cela produit un discours très consensuel : c’est l’une des caractéristiques du discours institutionnel ou corporate. Il s’oppose au discours tenu par exemple par les associations, où les opposantes et opposants seront plus fréquemment cités (ce, contre quoi milite l’association) : l’énumération des opposant·es participe ainsi de la politisation d’un discours.
Comment déterminer quel est l’objet et quelle est la quête ? Il faut pour cela déterminer où est le complètement d’objet direct (l’objet) et où est le complément circonstanciel (la quête). Dans notre cas, il y a deux options :
Danone veut apporter la santé par l’alimentation POUR inspirer de bonnes habitudes alimentaires.
Danone veut inspirer de bonnes habitudes alimentaires POUR apporter la santé par l’alimentation.
La deuxième option nous semble plus pertinente : l’objet « final » est la santé du plus grand nombre.
Le schéma actantiel, en complément du schéma narratif, permet ainsi de préciser et de mieux cadrer les dynamiques des actants lorsqu’on construit une histoire. Un outil bien utile pour les storytellers !