Start-up ou startup ? Choisir entre 2 orthographes acceptées

Choisir entre deux orthographes acceptées start-up et startup

Dans un article que j’ai récemment écrit pour Maddyness, un internaute a commenté : « Start-up = jeune pousse ». Il m’invitait probablement à éviter l’anglicisme pour préférer le terme français recommandé par l’Académie française. 

Ainsi pourrait s’achever cet article : pour désigner une jeune entreprise innovante, n’écrivez ni « start-up » ni « startup », mais « jeune pousse » !

Mais chez Mots-Clés, agence de communication éditoriale et d’influence, ce n’est pas ce qu’on vous recommandera. Des alternatives aux anglicismes les plus populaires sont régulièrement proposées par la Commission d’enrichissement de la langue française. Or, très peu entrent dans les usages.

Maintes raisons expliquent cette faible adoption des néologismes pour remplacer les mots d’origine étrangère. Je me contenterai d’en citer une, en rapport avec la conviction fondatrice de Mots-Clés : le discours est le lieu de l’influence. Il peut nous donner poids et visibilité auprès d’un public cible, comme il peut nous couper de celui-ci. 

Si vous préférez start-up ou startup à jeune pousse, c’est peut-être parce qu’une partie de vos publics ne sont pas francophones. 

Ou parce que vous ne voulez pas, en termes d’image, signaler un rapport tatillon au français académique. 

Ou encore parce que start-up est mieux référencé par Google que jeune pousse

Ou parce que pour votre prochaine levée de fonds, jeune pousse attirera l’attention sur autre chose que sur votre superbe business plan. 

En tout cas, il y a des raisons extralangagières qui font que vous optez pour le terme d’origine anglophone à l’alternative française.

Alors, start-up ou startup ? Et au-delà, comment choisir quand deux orthographes sont attestées pour un mot, même quand cela ne concerne pas les nouvelles technologies ? Essayons d’y voir plus clair avec ce terme emblématique et qui a le mérite de brasser l’ensemble des questionnements.

1. Start-up ou startup : faut-il mettre un trait d’union ? La lettre versus les usages

Si l’on s’en tient aux dictionnaires de référence, la réponse est claire. 

Pour le Larousse ou Le Robert, il faut écrire « start-up ». Start-up est en effet entré en 1992 dans les dictionnaires français de référence, avec un trait d’union. Il provient de l’anglais start-up company (entreprise en démarrage), qui lui-même vient du verbe to start up (démarrer) et désigne les entreprises qui recherchent leur modèle économique, ont un fort potentiel de croissance ou ambitionnent une croissance rapide. À l’origine, ce mot est donc séparé par un trait d’union, que ce soit en français ou en anglais.

Si l’on regarde du côté des résultats de recherche sur Google, il n’y a pas photo. C’est start-up qui l’emporte avec plus de 5 milliards de résultats, contre environ 310 millions de résultats pour startup

C’est un autre son de cloche lorsque l’on compare les deux recherches avec Google Trends. On voit non seulement que le terme startup décolle en termes d’intérêt en France autour de 2012. Mais aussi qu’il est bien plus recherché que start-up.

Si Google Trends n’est pas outil de précision scientifique, on peut néanmoins en tirer deux enseignements. D’une part, les internautes préfèrent taper startup, peut-être par simple commodité. D’autre part, c’est une requête qui augmente beaucoup plus nettement en popularité que start-up.

Côté usages, c’est donc startup qui a la préférence des internautes francophones.

Si l’on regarde le monde anglophone, on note également une préférence pour startup côté recherches des internautes. C’est aussi l’orthographe adoptée par de grands médias internationaux (The Economist, New York Times, BBC…). D’autres utilisent indifféremment startup et start-up (Financial Times, Washington Post). Cette évolution des usages est attestée par le dictionnaire Merriam-Webster, qui mentionne startup comme variante orthographique acceptée.

2. De start-up à startups : quand un emprunt intègre la langue française

Ce qu’on remarque, c’est que l’orthographe d’un mot emprunté à une autre langue évolue.

Que ce soit en anglais ou en français, le mot start-up a débuté avec un trait d’union. Puis il a perdu ce trait d’union, faisant cohabiter deux orthographes, avec une progression rapide de l’orthographe sans trait d’union. 

De nombreux mots ont ainsi émergé dans la langue française : weekend, bestseller, checkup, offshore ou encore flashback. 

Vous remarquez que j’ai orthographié tous ces mots sans trait d’union, et pour cause. Les rectifications orthographiques de 1990 proposent une simplification en ce sens. Un certain nombre de termes sont soudés, perdant leur trait d’union ou l’espace entre deux parties du mot. C’est notamment le cas des emprunts.

Rectifications orthographiques

Rectifications orthographiques de 1990 : qu’est-ce que c’est ?

La réforme orthographique de 1990 est un ensemble de propositions visant à simplifier le français écrit et à supprimer certaines incohérences. Il ne s’agit pas d’une loi, mais d’un rapport du Conseil supérieur de la langue française de France. L’idée n’est pas de révolutionner le français, mais d’apporter des rectifications utiles pour :

- Simplifier une norme complexe, parfois contradictoire, voire absurde. Pour le Conseil, cela crée de l’insécurité linguistique. C’est-à-dire une situation dans laquelle les personnes n’osent plus s’exprimer de peur de faire des erreurs.

- Diminuer le fossé entre le parler et l’écrit, particulièrement important en français. L’orthographe en France est historiquement un élément de distinction sociale. Il s’agit donc par ces rectifications de diminuer les inégalités et rendre la langue plus facilement praticable.

Faut-il obligatoirement utiliser la nouvelle orthographe (ou orthographe révisée, ou orthographe rectifiée) ?

L’Académie française, l’institution la plus conservatrice en France sur la langue, a obtenu que cette réforme reste facultative. Vous pouvez donc l’adopter, comme Mots-Clés, ou préférer les règles traditionnelles.

Ainsi, startup aurait probablement été l’option privilégiée par les réformateurs de 1990. 

L’idée est d’intégrer le terme à ce qu’on appelle la morphologie productive du français. C’est-à-dire « franciser » l’emprunt pour le faire pleinement entrer dans la langue, puisqu’il est entré dans les usages. Pour cela, il faut le plier aux contraintes orthographiques et grammaticales du français. C’est pourquoi, si l’on préfère l’orthographe startup, on écrira « des startups » au pluriel. 

Start-up ou startup : outre votre sensibilité linguistique, il existe un critère pour choisir l’orthographe qui vous convient. Il s’agit de l’éthos.

3. Start-up ou startup : une question d’éthos 

Startup ou start-up : comment l’écrire dans un cadre professionnel ?

Pour décider, il vous faut prendre en compte l’éthos de votre organisation. Notion issue de la rhétorique antique, l’éthos a été réinvesti par l’analyse du discours, en particulier par Ruth Amossy. Elle propose de définir l’éthos comme « une mise en scène de soi plus ou moins programmée », à travers le discours.

Dès lors, le lexique que vous utilisez affecte l’image que vous renvoyez. Son orthographe également.

Regardons dans notre cas : qui écrit startup et qui préfère start-up (source : premières pages Google en navigation privée) ?

  • Start-up : Capital, l’Internaute, 20 minutes, le Monde.

  • Startup : Bpifrance, les médias en ligne Maddyness et Frenchweb, la jeune pousse Legalstart.

On s’aperçoit que start-up est privilégié par les médias traditionnels et/ou généralistes, tandis que startup est largement employé par les acteurs de l’innovation. 

Start-up connote une approche plutôt neutre : écrire start-up, c’est suivre la préconisation des dictionnaires. Avant qu’ils n’évoluent eux-mêmes ? En effet le rôle des dictionnaires est d’enregistrer des usages qui socialement les précèdent. C’est l’option que vous choisirez si vous écrivez pour une grande institution ou une entreprise à public généraliste. 

Startup vous donne au contraire un éthos d’innovateur : qui dit innovation, dit accompagnement des évolutions langagières. C’est donc votre vatout si :

  • vous faites partie d’une entreprise ou d’une institution qui bouscule les codes d’un secteur ;

  • vous souhaitez toucher un public plus jeune ; 

  • vous êtes… une startup ! 

En conclusion : pour écrire startup correctement, il n’y a finalement pas de règle. Et vous savez maintenant quelle orthographe privilégier pour l’écrire en accord avec votre éthos ou celui de votre organisation. 

Un point d’attention cependant : la constance vaut aussi pour l’orthographe. Vérifiez d’abord si votre entreprise ou institution n’a pas déjà tranché la question : c’est l’une des clés de l’excellence rédactionnelle.