Pour une galette des Reines et des Rois

Galette Reines Rois

En ce début janvier, vous étiez certainement attabléᐧes en famille ou entre amiᐧes autour d’une galette, à la frangipane pour les puristes, à la pistache ou à la framboise pour les plus intrépides. Chez Mots-Clés, où nous abordons le langage inclusif comme un moteur d’égalité femmes-hommes, la formulation « galette des Rois » ne nous laisse pas indifférentᐧes. 

L’occasion de remonter un peu le temps pour analyser cette dénomination.

Temps de lecture : 2 min.

Une référence aux Rois mages

Pour les Chrétienᐧnes, la galette dite « des Rois » se déguste lors de l’Épiphanie, fête qui célèbre l’épisode relatant la venue des trois Rois mages, Gaspard, Melchior et Balthazar à Bethléem. Guidés par une étoile depuis leurs lointaines contrées, ils arrivent en Judée pour adorer Jésus et l’honorer d’or, d’encens et de myrrhe, cadeaux rappelant les trois rôles incarnés par l’Enfant Jésus, à la foi roi, dieu et homme, selon la liturgie chrétienne.

Une origine antique, sans préoccupation de genre explicite

L’histoire de l’Épiphanie remonte en réalité plus loin encore, la religion chrétienne ayant investi et adapté ce qui était à l’origine une célébration païenne de la lumière durant la période antique. Le solstice d’hiver était en effet l’occasion de fêter le rallongement des jours à venir, symbole de renaissance, du renouveau de la nature et des cultures, de victoire de la clarté sur les ténèbres, et, plus pompeusement, de la vie sur la mort. Le mot « épiphanie » est en effet issu du grec ancien epipháneia, qui signifie « apparition », de epi- « sur » et phaínein « briller ».

On retrouve cette célébration sous l’Empire romain lors des « Saturnales ». Cette fête populaire honorait Saturne, divinité agraire, pendant le solstice d’hiver et prenait fin avec la fête du Sol Invictus (soleil invaincu). L’occasion d’échanger des cadeaux et de se jouer des conventions sociales en inversant les rôles entre maitres et esclaves. Ces derniers se voyaient octroyer le temps des réjouissances des droits civiques et bénéficiaient d’une certaine liberté. Un gâteau contenant une fève, partagé et servi selon les indications du plus jeune du foyer depuis le dessous de la table, permettait alors de désigner le prince des Saturnales, qui, le temps de la journée, disposait de toutes sortes de privilèges. Un certain nombre de ces éléments ont perduré jusqu’à aujourd’hui : la fève, le gâteau partagé, le rituel de désignation.

Si rien ne permet d’affirmer avec certitude que les femmes avaient alors la possibilité d’être nommées reines en cas de fève trouvée dans leur mets, notons que les sources relatives à cette tradition antique ne font aucunement mention d’une quelconque distinction de genre. En témoignent par exemple les tableaux L’hiver ou les Saturnales d’Antoine François Callet, sur lequel des hommes autant que des femmes prennent part à ces festivités.

3 arguments en faveur de la « galette des reines et des rois »

L’appellation « galette des Rois » fait donc référence à la « galette des Rois mages ». Ce faisant, elle ne se rapporte qu’à une seule des origines de la fête, abandonnant l’héritage des Saturnales, durant lesquelles il n’est pas exclu que les femmes aient eu l’occasion d’être les reines de la fête.

De plus, le vécu commun témoigne d’une forme d’inconfort. En effet, l’expérience et l’appellation ne coïncident pas : dans les faits, les femmes sont amenées à trouver parfois la fève d’une galette des Rois et à être nommées Reines.

Cet écart entre le mot et l’usage n’a d’ailleurs pas échappé au marketing, qui propose chaque année des « galettes des Rois et des Reines » dans les étals de boulangeries ou sur les sites gastronomiques, voire même des « galettes des Reines » tout court, par exemple chez Philippe Conticini.

Inexact sur le plan historique, compensée par des pratiques beaucoup plus mixtes et paritaires dans nombre de tablées familiales et amicales, la formulation « Galette des Rois » entretient enfin l’idée selon laquelle le pouvoir royal serait un attribut exclusivement masculin. 

Pour toutes ces raisons, nous dégustons chez Mots-Clés la galette des Reines et des Rois. Toutes et tous les gourmandᐧes ont le droit d’être désigné·es par les mots et sacréᐧes et les faits ! 

Et bon appétit bien sûr !