Salon de l’Agriculture 2024 : théâtre électoral sur fond de crise agricole

Crédit : Edouard Hue, Nantaise (race bovine) — Wikipédia 

Après deux semaines et plus de 600 000 visiteurs et visiteuses, l’heure est au bilan pour la 60e édition du Salon international de l’Agriculture. Entre dégustations de produits du terroir, concours d’animaux et défilé de personnalités politiques, cet événement a constitué, cette année encore, le point de convergence entre mondes politiques et ruraux

Mais au-delà de la valorisation du monde agricole, cet événement semble être, année après année, le théâtre de nombreuses frasques politiques. Et cette année n’a pas fait exception, avec une inauguration présidentielle retardée par des manifestants hostiles à Emmanuel Macron

Pourquoi ce rendez-vous, dédié à un secteur qui ne représente que 2,6 % de la population française, suscite-t-il, chaque année, autant de crispations politiques et sociales ? Et que peut-on retenir de cette édition, marquée par une profonde crise agricole et l’approche des élections européennes ? 

Habitué·es à décrypter les stratégies qui se cachent derrière les mots, nous faisons le point avec vous. 

Temps de lecture : 4 min

Le Salon de l’agriculture, un incontournable rendez-vous politique et médiatique

Chaque année, électorale ou non, les personnalités publiques de tous bords se succèdent dans les allées du Parc des Expositions. Or, chaque édition s’accompagne de son lot de controverses et de tensions. Car, dans ce microcosme où se côtoient, au sein d’un même lieu, professionnel·les du secteur agricole et agro-industriel, syndicats, Grand Public, médias et représentant·es politiques, le cocktail est souvent explosif. 

La communication y est directe, sans porte-paroles ou intermédiaires pour éviter les écarts et désamorcer les crises naissantes. Les responsables politiques sont ainsi confronté·es, encore plus que d’habitude, aux revendications populaires et aux invectives. Les tensions sont exacerbées, la colère décomplexée, et le mot de trop bien souvent prononcé. Les exemples ne manquent pas, comme le cultissime « Casse-toi, alors, pauvre con » de Nicolas Sarkozy en 2008. De la même manière, rares sont les éditions où un·e élu·e ne se voit pas jeter de la bière, des œufs ou toute autre denrée alimentaire au visage. 

Un jeu politique quitte ou double 

Au Salon de l’Agriculture, le défi en matière de communication est de taille pour les représentant·es politiques. Il s’agit en effet d’utiliser l’importante médiatisation de cet événement comme d’un outil pour convaincre l’électorat agricole, mais pas seulement. Tous les plus grands médias couvrent quotidiennement ce qu’il s’y passe, les personnalités politiques ayant beaucoup à y jouer et à y gagner, même si cela signifie prendre le risque de tout perdre. Car celui ou celle qui parviendra à paraître sympathique, authentique et concerné·e par les problématiques abordées pourrait transformer sa venue en grand coup de com’.

Les personnalités présentes sont ainsi bien conscientes que s’afficher en train de déguster des spécialités auvergnates, ou de câliner des animaux, donne l’impression d’être au même niveau que la population française et ses préoccupations. En d’autres termes, l’objectif est autant de partager un repas que de se mettre en valeur, en véhiculant dans la presse une image de proximité avec le peuple. Jacques Chirac, avec 38 éditions au compteur, reste sans doute la personnalité politique qui a le mieux réussi à faire de ses venues au Salon de l’agriculture un moyen efficace de doper sa popularité

Les personnalités politiques sont alors jugées sur une multitude de facteurs, dépassant largement la simple idéologie. Une compétition informelle est par exemple menée à qui restera le plus longtemps sur place, la palme revenant pour l’heure à Emmanuel Macron et ses 14 h 30 passées en 2019

L’édition 2024, rampe de lancement électorale

En plus de ces frasques habituelles, l’édition 2024 a été rendue singulière par l’importante crise agricole durant laquelle elle s’est déroulée. Celle-ci a incité chacune et chacun à prendre position pour répondre de la meilleure manière à l’urgence. Et à 4 mois des élections européennes, l’occasion était toute trouvée, pour chaque parti, de défendre son programme. Le nombre de personnalités sur place s’est ainsi élevé à 83, dont 30 ministres, contre 52 en 2022. 

L’ambition des candidat·es qui se sont succédé·es était à peine voilée : transformer la colère du monde agricole en une avalanche de votes lors du 9 juin. Il s’est agi, pour chacun·e, de se montrer comme le ou la plus à même de répondre à la crise. Ainsi, certain·es ont pointé l’Union européenne du doigt, mettant en avant sa responsabilité et promettant de renverser le statu quo. D’autres l’ont, au contraire, présenté comme une solution, rappelant sa nécessité. 

Cette 60e édition démontre une nouvelle fois que, si la population agricole est aujourd’hui largement minoritaire en France, elle conserve une influence majeure. Le Salon international de l’Agriculture continue de jouer le rôle de caisse de résonance de la parole des agriculteurs, mais aussi des aspirations électorales de la classe politique française. Et les élu·es sont bien conscient·es que ce Salon peut avoir des conséquences majeures sur leur image !

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