Genre.s, comment ça s’écrit ?
Nous sommes quatre étudiantes et deux étudiants du Master Communication, Médias et Industries Créatives de Sciences Po Paris : Emma Bouvier, Ariane Jouve-Villard, Léa Mathieu, Erwan Péron, Bastien Relave, Lucille Strobbe. Ensemble, nous avons mené une enquête sur l’écriture inclusive entre novembre 2020 et mai 2021. Celle-ci s’est déroulée dans le cadre du cours de sciences sociales « Cartographie des controverses ». Nous vous la présentons en quelques lignes avec nos premiers résultats.
Temps de lecture : 5 minutes
Écriture inclusive ? Mais de quoi parle-t-on, au juste ?
Cette question, nous avons passé des heures à nous la poser, et des mois à essayer d’y répondre. Nos professeurs Vincent Casanova et Robin de Mourat nous ont guidés dans nos analyses et la compréhension de cette controverse de la langue française.
Notre objectif était de comprendre l’articulation entre les personnes et les savoirs spécialisés mobilisés autour de cette question. Par souci d’objectivité, nous avons fait appel à différents domaines d’études : linguistique, psycholinguistique, grammaire, typographie, sociologie, histoire, didactique de la langue, littérature, droit, communication ou encore enseignement.
Cette expérience collective s’est concrétisée par la création d’un site web, qui réunit et met en scène l’ensemble de notre travail.
Notre démarche
Notre première étape a été la réalisation d’une vaste bibliographie constituée de publications scientifiques et d’ouvrages spécialisés. En parallèle de nos lectures et analyses théoriques, une veille constante de l’actualité médiatique nous a permis de discerner les principaux points de friction du sujet.
Dans un second temps, pour approfondir et cartographier la pluralité des travaux et des prises de position, nous avons réalisé une série d’entretiens. Ces rencontres ont éclairci certaines zones d’ombres et nous ont aidés à dissiper nos derniers a priori.
Il ne nous restait plus qu’à développer notre site web. Nous sommes ainsi passés par un travail sur les couleurs, l’animation du contenu, l’architecture des pages ainsi que la synthèse des données sous forme de schéma.
En savoir plus sur le protocole d’enquête, nos entretiens et notre posture d’étude.
Au-delà des thèses linguistiques et des débats d’experts, nous avons complété notre cartographie par une analyse du débat public et des réseaux sociaux. Ces prises de position, parfois informelles, ainsi que l’énergie déployée pour défendre ces idées, nous ont permis de saisir les enjeux politiques et sociaux inhérents à cette controverse.
L’appréhension des passions qu’elle déchaîne révèle les problématiques identitaires et culturelles que soulève l’écriture dite inclusive. Attachement à la langue, progrès pour l’égalité femmes-hommes, évolution des stéréotypes de genre : une multitude d’acteurs, de projets politiques, de pratiques et de milieux coexistent dans le spectre des revendications. Pour nous, l’enjeu était de les lister et de les cartographier en tenant compte de la chronologie des évènements : leurs confrontations, leurs interactions ainsi que leurs liens, directs ou indirects.
Premières observations
Un débat pluriel
Il est intéressant de remarquer que le débat public autour du langage inclusif, et les controverses qu’il met en lumière ne sont qu’une partie émergée de l’iceberg et son traitement est pluriel.
Dans les médias, les préoccupations se situent principalement autour de l’usage de l’écriture inclusive dans des textes de loi, les engagements d’entreprises privées, les communiqués du gouvernement et d’administration, et dans certains établissements scolaires.
Du côté des linguistes, des experts de la langue et des designers-typographes, ce n’est pas la pertinence de l’écriture inclusive, mais bel et bien la question des pratiques qui prédomine. Autrement dit, est-ce qu’il est possible, envisageable, ou souhaitable de définir les contours de ce nouvel objet linguistique. Il s'agit également de déterminer les règles d’usage autour de cet outil.
Les typographes et designers développent quant à eux une démarche singulière, celle d’un travail exploratoire sur les nouvelles manières d’écrire en langage inclusif.
Finalement, la restitution de nos recherches et réflexions s’établit à travers les trois axes suivants :
Que fait la langue : quels sont les effets de la langue sur les représentations mentales et sociales ?
Quelles inclusivités : comment définir les dimensions et les enjeux de la démarche inclusive ?
Qui fait la langue : les autorités et les savoirs spécialisés influencent-ils l’usage et les pratiques de la langue ?
Ces axes sont détaillés dans les différentes rubriques de notre site web.
Un sujet qui ne cesse d’évoluer
Le peu de temps dont nous disposions pour effectuer ce travail de recherche ne nous a pas permis d’apporter de réponses définitives à ces débats. Ce n’était de toute façon pas notre objectif : l’écriture inclusive est une thématique en cours d’exploration. Tenter de la figer aurait été vain ! Il est d’ailleurs nécessaire de préciser que le sujet a connu de nouveaux rebondissements entre le moment où nous avons publié l’enquête et l’écriture de cet article.
Nous avons plutôt imaginé ce site web comme un outil à disposition de chaque personne qui souhaiterait avoir une vision globale et approfondie de la controverse.
En fin de compte, nous avons le sentiment que ce sujet dont nous nous sommes emparés, en l’espace de quelques mois, ne nous quittera jamais vraiment. Nous continuons d’en discuter entre nous, nous en parlons à nos proches, nous sommes à l’affût des articles sur le sujet. Nous ne pouvons pas nous empêcher de sourire en entendant quelqu’un demander « Mais toi, t’es pour ou contre l’écriture inclusive ? »
Emma Bouvier, Ariane Jouve-Villard, Léa Mathieu, Erwan Péron, Bastien Relave, Lucille Strobbe.
Nous remercions Raphaël Haddad pour l’intérêt porté à notre travail, l’entretien qu’il nous a accordé et la proposition d’écriture de cet article.
Si vous souhaitez vous adresser directement à l’équipe, vous pouvez nous écrire à cette adresse : enquete.ecritureinclusive@gmail.com