Quels sont les contre-arguments pour défendre l’écriture inclusive ?

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« Une lubie », une « offense à la langue », « une arme de guerre »… L’écriture inclusive fait couler beaucoup d’encre. Nombreux sont les arguments et fake news que nous entendons à son égard. Voici quelques réponses qu’il est possible d’y apporter ! 

Temps de lecture : 5 minutes 

L’esthétique : l’écriture inclusive, c’est moche ! 

« Ce point défigure les mots. »

L’argument esthétique fait partie de ceux que l’on rencontre le plus souvent. Plusieurs réponses peuvent y être apportées.

Aucun signe n’est intrinsèquement beau ou moche. Ici, il est plutôt question d’habitude. Qui s’est déjà interrogé·e sur l’esthétique du point-virgule, de l’accent circonflexe ou encore de la cédille ? Pourquoi l’arobase @ ou le dièse #, signes de la modernité énonciative numérique, seraient-ils beaux tandis que le point milieu serait, lui, affreux ?

Et puis contrairement à ce que nombre de réfractaires pensent, l’écriture inclusive ne se résume pas au point médian. Il existe tout un arsenal d’outils qui permettent l’inclusion, comme les reformulations épicènes ou la double flexion.

« “Pompière”, “écrivaine”, ce n’est vraiment pas beau. »

Là encore, il est question d’habitude. La reféminisation des noms de fonctions « dérange », car ces mots traduisent le fait que des terrains initialement conçus comme propres aux hommes sont progressivement investis par des femmes.

Une écriture illisible : vraiment ?

« L’écriture inclusive a ceci de particulier qu’elle est illisible à l’écrit et imprononçable à l’oral, ce qui relève de la double peine. »

Encore une fois, l’écriture inclusive ne se résume pas à l’utilisation du point médian.

Aussi, il est important de préciser que le point milieu sert d’abréviation. Par exemple : « étudiant·es » donne à l’oral « étudiantes et étudiants », tout comme « M. » se prononce « Monsieur ». 

En ce qui concerne la lisibilité de l’écriture inclusive, des recherches ayant porté sur le sujet et plusieurs mois d’usage nous ont montré que l’œil s’y habitue très vite et qu’un certain nombre d’automatismes survenaient très facilement à l’écrit. L’étude dirigée par Noelia Gesto et Pascal Gygax, « Féminisation et lourdeur de texte » en atteste. Prenant pour cas l’utilisation du trait d’union, elle démontre que la vitesse de la lecture revient à la « normal » dès la seconde occurrence. En bref : votre lecture ne devrait pas être impactée par l’écriture inclusive. Rassuré·e ?

L’écriture inclusive ne sert à rien !

« Cette écriture inclusive est d’une bêtise profonde et ne sert strictement à rien du tout. »

L’argument de « l’inutilité » est très souvent employé pour délégitimer toute sorte d’évolution. Seulement, il est factuellement faux de dire que l’écriture inclusive n’affecte aucunement les inégalités.

D’abord, elle influence nos représentations. Une étude réalisée par l’institut Harris Interactive en 2017 démontre que les formulations inclusives ou épicènes suscitent jusqu’à deux fois plus de noms de femmes dans les représentations spontanées en comparaison aux formulations qui invisibilisent les femmes. Vous trouverez une illustration de ces résultats dans notre article sur la formation

Il y a également des effets institutionnels observables. Cela fera l’objet d’un article à paraitre prochainement.

L’écriture inclusive, c’est un effet de mode

« Encore une nouvelle lubie. »

L’écriture inclusive n’a rien à voir avec un effet de mode. Pour s’en rendre compte, il suffit de regarder l’ancienneté de cette pratique, qui prend ses sources dans les mouvements féministes ainsi que dans les organisations militantes. Et on peut observer le nombre grandissant de nouveaux groupes, individus ou organisations qui adoptent cette pratique. 

De plus en plus d’entreprises (3F, Vélib, Tinder, Canal +…), d’institutions (Ville de Paris, CROUS, CESE…), de médias (Slate, France Inter, Le Monde, Libération, RTS…) et d’associations y ont recours. 

Enfin, l’écriture inclusive est de plus en plus employée par les producteurs et productrices de normes sociales : médias et journalistes, universités et universitaires, collectivités locales, institutions et personnalités publiques.  

Un « péril mortel » pour la langue

« Ineptie linguistique : notre langue française est menacée par les lubies égalitaristes. »

Pour rappel, la féminisation des noms de métier date du Moyen Âge. Aussi, à cette époque, on utilisait couramment la règle d’accord de proximité voulant que le dernier mot l’emporte, et non le masculin. Ces règles de grammaire sont finalement remises en cause puis abolies au XVIIIe siècle par l’Académie au nom de la supériorité masculine. Le grammairien Scipion Dupleix le justifiait ainsi : « Parce que le genre masculin est le plus noble, il prévaut seul contre deux ou plusieurs féminins. »

Vous l’aurez compris, si l’écriture inclusive menace quelque chose, c’est bien la domination d’un genre sur un autre : celle du masculin sur le féminin et par conséquent des hommes sur les femmes. C’est cela qui inquiète.

La langue, elle, ne craint rien. Il est tout à fait normal qu’une langue vivante évolue en fonction des évolutions sociales. 

Masculin générique

« Le masculin est aussi le marqueur du neutre en français. Il représente les femmes et les hommes. »

Cette idée est fausse ! En français, le neutre n’existe pas. Les mots sont soit féminins soit masculins. La fameuse phrase « le masculin l’emporte sur le féminin » le prouve.

Aussi, l’usage du masculin n’est pas perçu de manière neutre, car il active moins de représentations de femmes auprès des personnes interpellées qu’un mot épicène ou une double flexion. 

L’écriture inclusive, c’est trop complexe

« Pourquoi compliquer la langue française ? Elle l’est déjà bien assez ! » 

Ici encore, cet argument réduit l’écriture inclusive au point médian là où la double flexion, l’utilisation de termes et de reformulations épicènes ne créent pas de difficulté particulière.

Concernant le point médian, son accessibilité s’améliore. De nombreuses extensions existent pour faciliter l’usage du point médian. Le Hackathon Écriture inclusive, premier événement d’ampleur à prendre ce sujet uniquement sous un prisme technique, a permis la création de nombreux outils. Convertisseurs en écriture inclusive, plateforme collaborative de monitoring des pratiques et même logiciel de lecture automatique pour les personnes malvoyantes existent désormais pour faciliter l’adoption de l’écriture inclusive.

Si malgré ces arguments vous cherchez des lectures scientifiques sur le sujet, notre article sur la liste de travaux de recherche vous intéressera. 

Envie d’en savoir plus sur l’écriture inclusive ?